Étudiants escaladeurs

 

Une étudiante en pleine gymnastique à travers le mur perforé de l’UAC.  Et deux autres attendent encore !!

 

​Il ne s’agit pas ici de grimper une montagne, mais plutôt de franchir un mur. Escalader les murs a été de tout temps une pratique déconseillée. En effet, escalader les murs donne à la personne qui s’y adonne une image de hors la loi. Escalader les murs rime d’ailleurs souvent avec gangstérisme et vol vu que cet exercice constitue la routine et même la chasse gardée des voyous et des cambrioleurs. Cette image peu jalousée des amateurs d’escalade n’est pas la préoccupation de beaucoup d’étudiants. Ces derniers n’hésitent pas à se muer en grimpeurs des murs de l’université d’Abomey-Calavi. De jour comme de nuit, les apprenants franchissent la clôture de ce haut lieu du savoir à travers des hiatus soigneusement crées. Des trous percés çà et là donnant à la muraille de l’UAC l’aspect d’un temple fenêtré de part en part laissant pénétrer les rayons du soleil. Et tenez-vous bien, il ne s’agit pas uniquement des étudiants mais aussi parfois de personnes insoupçonnées. Escalader est devenu comme un marigot où tout le monde se baigne nu sans peur de dévoiler son intimité. L’essentiel est de renter au plus vite chez soi, quel que soit le risque à prendre. La fermeture du petit portail de Zogbadjè quelques mois  auparavant pouvait justifier cette pratique. Paradoxalement, cette dernière se poursuit malgré l’ouverture de ce portail depuis quelques semaines. Les habitudes ont la peau dure, est-on tenté de prétexter. L’habitude est une seconde nature, disait Saint-Augustin.

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Une véritable queue ! Un véritable embouteillage ! Chacun à son tour pour l’escalade ! 

 

Cette accoutumance à l’escalade qui paraît banale amène tout de même à s’interroger. Tout d’abord, il s’agit d’un acte dangereux. Tomber du haut de 2 mètres peut être dramatique. Traumatismes crâniens, fractures des os de la jambe et le pire peut arriver. Il s’agit donc d’une pratique dangereuse constituant un véritable tombeau à ciel ouvert. Réagir tardivement peut l’être avec beaucoup de regrets. Il ne faut pas attendre le premier mort pour réagir. L’escalade des murs de l’UAC traduit une certaine tendance générale à ne pas être dans la norme. Il faut passer à côté de ce qui est et de ce qui doit être. Il faut, selon ses désirs et ses intérêts, braver l’autorité et les règles établies. Il faut substituer l’exception  à la règle. Seule la répression fait entendre raison. L’autodiscipline a disparu. On passe les marchandises par le trou. On passe les tabourets par le trou. On passe la cuillère, la bouteille de gaz, la glacière, le sac de riz, la cuisinière par le trou. Par le trou, tout passe. Le trou est creusé progressivement, en fonction de la taille de l’objet ou de la personne à passer. La passoire s’agrandit de jour en jour. Il faut le gendarme pour dissuader. Tous ces corridors créés çà et là à travers la paroi de l’Université représente une source importante d’insécurité. Les détrousseurs et les pillards ne cherchent pas mieux. La sûreté du campus passe inéluctablement par des portails contrôlés et sécurisés. Il y va de la tranquillité et de la quiétude des usagers de ce temple du savoir. Le silence observé de la part des autorités compétentes peut être surprenant. Il faudra peut-être rechercher les facteurs sociologiques de l’escalade des murs de plus en plus observée, devenu sport commun de la plupart des étudiants. Mais en attendant, il faut verrouiller ces couloirs d’insécurité.

25 commentaires sur “Étudiants escaladeurs

  1. Nous sommes les premiers à tirer sur les autres quand ils détournent les fonds publics mais je me demandent si en trichant, comme c’est le cas lorsque l’on escalade, on ne fera pas pire. Cette génération qui opte très aisément pour la facilité empreinte parfois d’irresponsabilité et d’incivisme devient inquiétante.

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  2. Juste pour vous rassurer mon cher Isaac, l’escalade n’est pas l’apanage des jeunes béninois, mais également de mes frères camerounais. Ce qui est à déplorer dans cette affaire, c’est l’enrolement des filles par ces voyous. Les filles sont devenues aujourd’hui des grandes« escaladeuses»

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  3. Je crois que si un prix devait être décerné à celui qui fait bon usage de cette pensée d’Aimé Césaire : » ma bouche sera la bouche des malheurs qui n’ont point de bouche », tu seras probablement le premier à l’emporter. En effet, ta plume a souvent eu à traiter des questions très complexes auxquelles, de par les discussions que tu enclenchent, de belles idées émergent. Pour cela Isaac, tu as notre plus grande reconnaissance parce que comme on le dit souvent: c’est dans la discussion, le partage d’idée que j’aillit la lumière.

    Il faut fondamentalement que les comptables du devenir de ce continent, les élites éclairées et désabusées de cette société, des gens qui sont censés être des porteurs de voix et des éclaireurs de voies, ceux qui doivent frayer le chemin pour ce bas peuple en majorité analphabète arrêtent de se comporter comme des profanes, des canailles, des irresponsables irrespectueux et irréfléchies.
    Si La couche de cette société qui était prédisposée à montrer l’exemple exercent des pratiques pareilles en plus dans un temple de savoir, je me demande en réalité oú va l’Afrique!
    Les étudiants sénégalais ne sont pas exemptés de ces actions. En effet, trop souvent dans les universités publiques du Sénégal, il n’est pas rare de voir des étudiants qui se créent des « trous » qui leur servent parfois de raccourcis. Nous ne pouvions en aucun cas nous développer avec des comportements indignes du genre. Encore une fois, cela montre en réalité le mutisme de l’Etat face aux problèmes sociaux d’ordre comportemental. En Afrique, nous avons des États qui dans la plupart du temps ont du mal à assurer leur mission régalienne de garant de la sécurité pour tous. En conséquence, des actes de réfraction extraordinaire, un laisser-faire et un laisser-aller que l’Etat semble cautionné.
    Isaac, juste pour dire que la question de l’escalade des mûrs de l’Université par les produits de l’Université n’est qu’une conséquences de l’indiscipline comportementale de la jeunesse africaine devant laquelle nos garants de la sécurité se retrouve impuissant parce que tout simplement, c’est le cadet de leurs soucis disent-ils.

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    • Je subjugué par la qualité de votre point de vue. Je n’ai rien à y ajouter. Au passage, merci pour les compliments. Ensemble, nous essayerons de guérir nos plaies qui annihilent les efforts de développement. Merci Moustapha

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  4. Il faut aussi rappeler que si l’Afrique ne parvient pas à ce developper, hormis cette pluralité de malheur que nous avions subit dans le passé et qui ont quelque part ralenti notre progrès, il n’en demeure pas moins nécessaire de dire que aussi, certains facteurs au blocage de l’Afrique dont endogènes. Ils sont d’ordre sociétal et entravent notre essor. Dans la vie de tous les jours, nous faisons des actions qui impactent négativement sur notre progrès individuel et collectif. C’est des actes auxquels par inattention ou par l’influence de la société, nous les acceptons sans aucuns remords de conscience.
    Je suis sûr et certain que l’escalade des mûrs de UAC n’est pas un fait réssent. Je suis également sûr que ce n’est pas parce que l’administration univeristaire n’est pas au courant du phénomène, ils le sont. Seulement ils ne vont pas réagir parce que mentalement, ça ne leur pose aucun problème.

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